De nombreux propriétaires et bailleurs se posent la question du maintient du paiement du loyer commercial en période de confinement.
Auxis avocats vous apporte un éclairage sur la question.
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Le locataire peut-il se prévaloir de la force majeure pour s’exonérer du paiement ?
Le Gouvernement a très rapidement précisé que l’épidémie de coronavirus devait être considérée comme « un cas de force majeure pour les entreprises, employeurs comme salariés».
Les articles 1148 ancien et 1231-1 nouveau du Code civil disposent en effet, que le débiteur de l’obligation ne doit pas de dommages et intérêts, lorsqu’il a été empêché de l’exécuter par la force majeure.
Un locataire peut-il par conséquent se prévaloir de l’épidémie de Coronavirus pour s’exonérer du paiement de son loyer ?
La réponse n’est pas tranchée, car seule une juridiction pourra juger si la situation subie par le locataire relève ou non de la force majeure, l’exonérant du paiement de ses loyers.
Toutefois, quelques pistes de réflexions, examinées à la lueur de la jurisprudence connue en matière de force majeure, permettent de trouver un début de réponse :
Le local commercial est-il visé par une interdiction règlementaire ?
L’arrêté ministériel du 14 mars 2020 interdit la réception des clients dans les magasins de vente et dans les centres commerciaux jusqu’au 15 avril, sauf quelques exceptions.
Il en résulte, pour les locataires exploitant un magasin visé par cette interdiction de recevoir des clients, une interdiction d’exploiter le local commercial.
Cet évènement peut correspondre à un cas de force majeure, car le bailleur n’est plus dans la capacité de permettre au locataire d’exploiter son local et le locataire n’est lui-même plus dans la capacité d’assurer son exploitation continue.
En conclusion : si le locataire est dans l’obligation de fermer, il a de grandes chances d’obtenir que cette fermeture règlementaire soit assimilée à un cas de force majeure par une juridiction.
Quelles conséquences alors sur le bail et le paiement des loyers ?
Suspension des effets du bail en cas de force majeure
L’article 1218 du Code Civil dispose :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue (…) ».
Ainsi, en cas de force majeure, le bailleur est dispensé de son obligation de délivrance et le locataire est par conséquent dispensé du paiement du loyer et des charges.
Cette suspension du contrat est temporaire et prendra fin lorsque les mesures règlementaires imposant la fermeture de certains commerces cesseront.
Cette suspension ne remet pas en cause le contrat de bail en lui-même ni son terme.
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Quelles sanctions en cas de locataire défaillant ?
Depuis le 26 mars 2020, les bénéficiaires du fonds de solidarité créé par le gouvernement ne peuvent se voir appliquer aucune sanction financière en cas d’impayés de loyers ou de charges locatives de leurs locaux professionnels ou commerciaux.
Ces dispositions concernent les loyers et charges échus depuis le 26 mars 2020 et concerneront tous ceux à échoir jusqu’à la fin d’une période de 2 mois, suivant la levée de l’état d’urgence sanitaire.
Quelles sont les conditions pour bénéficier de cette exonération de sanctions financières :
■ début d’activité avant le 1er février 2020 ;
■ Effectif salarié inférieur ou égal à 10 salariés;
■ chiffre d’affaires HT inférieur à 1 million d’euros au dernier exercice clos ; (pour les entreprises n’ayant pas encore clos d’exercice, le chiffre d’affaires mensuel moyen doit être inférieur à 83 333 € sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020) ;
■ Bénéfice imposable (augmenté, si c’est le cas, des sommes versées au dirigeant) n’excédant pas 60 000 € au titre du dernier exercice clos ; pour les entreprises nouvelles n’ayant pas encore clos un exercice, le calcul du bénéfice imposable (toujours augmenté, le cas échéant, des sommes versées au dirigeant) est établi à la date du 29 février 2020, sur leur durée d’exploitation et ramené sur 12 mois;
■ Les entrepreneurs, ou les dirigeants majoritaires s’il s’agit de sociétés, ne doivent pas être titulaires, au 1er mars 2020, d’un contrat de travail à temps complet ou d’une pension de vieillesse ; ils ne doivent pas non plus avoir bénéficié d’indemnités journalières de sécurité sociale d’un montant supérieur à 800 € au cours la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ;
■ ne pas être « contrôlée » par une société commerciale,
■ si l’entreprise concernée contrôle une ou plusieurs sociétés commerciales, l’effectif global des sociétés ainsi liées ne doit pas excéder 10 salariés, leur chiffre d’affaires cumulé ne doit pas excéder 1 million d’euros et le montant cumulé des bénéfices imposables ne doit pas excéder 60 000 €.
■ avoir fait l’objet d’une interdiction administrative d’accueil du public entre le 1er et le 31 mars 2020, OU avoir subi une perte de chiffre d’affaires supérieure à 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 comparée à celle comprise entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019.
Sous réserve de remplir toutes ces conditions, les locataires qui se retrouvent dans l’impossibilité de payer leur loyer commercial ne peuvent se voir appliquer par leur bailleur aucune pénalité de retard, aucune demande de dommages et intérêts ou astreinte, ni se voir opposer l’acquisition d’une clause résolutoire du bail en cas d’impayés de loyer.
Le bailleur ne pourra pas plus se retourner contre leurs garanties et cautions.
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Bien évidemment, chaque cas nécessite une étude approfondie, pour laquelle les membres du cabinet AUXIS Avocats se tiennent à votre disposition.