Le cas est fréquent et souvent débattu en justice : une personne physique s’étant portée caution excipe de ce qu’au moment où son engagement a été recueilli par une banque, cette dernière lui a fait souscrire une obligation manifestement disproportionnée au regard de ses facultés de remboursement.
De fait, l’article L 332-1 du Code de la Consommation dispose que :
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
Ainsi, et pour tenter d’échapper aux poursuites qu’un organisme bancaire peut déclencher à l’encontre d’une personne physique s’étant portée caution, il convient que soit établie la double preuve que, d’une part, lors de la souscription de l’engagement de caution, la surface financière et le patrimoine du garant étaient notoirement disproportionnés à l’engagement du débiteur principal et que, d’autre part, au moment de l’exercice des poursuites par la banque, le patrimoine de la caution ne lui permet pas de faire face au paiement des sommes réclamées.
L’argument tiré du seul caractère disproportionné au jour de la signature de l’engagement de caution ne peut en effet être utilement invoqué, s’il est établi qu’au jour où la caution est appelée, celle-ci dispose alors de ressources suffisantes pour honorer son engagement.
Néanmoins, il convient de déterminer de quelle manière peut être établi le caractère disproportionné de l’acte de cautionnement lors de sa souscription et surtout, dans quelle mesure il convient d’en apporter la preuve.
Sur cette question, la Cour de Cassation avait déjà posé en principe que la preuve du caractère disproportionné de l’engagement de caution pèse sur celui qui l’invoque, c’est-à-dire au cas d’espèce, sur la caution elle-même.
Néanmoins, la Cour de Cassation a eu à se prononcer récemment sur une question plus précise, qui tenait à déterminer si le créancier professionnel avait ou non l’obligation de procéder préalablement à la signature de l’engagement de cautionnement à des recherches précises et à une étude complète de la situation financière patrimoniale du garant.
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 20 avril 2017 (n°15-16184) avait pu laisser entrevoir la possibilité pour la caution d’exciper d’un tel argument, dès lors que la Cour considérait que le créancier avait le devoir de s’enquérir de la situation patrimoniale de la caution, tout en étant en droit de se fier aux informations fournies par elle, n’étant pas tenu de les vérifier en l’absence d’anomalie apparente.
Néanmoins, dans un plus récent arrêt du 13 septembre 2017 (n°15-20294), ce qui semblait pouvoir ainsi constituer une « porte de sortie » pour les cautions, invoquant dès lors une faute de la banque pour défaut d’investigations suffisantes, la Cour de Cassation (Chambre Commerciale) énonce clairement que l’article L 332-1 du Code de la Consommation opposé à la banque : « ne lui impose pas de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lorsqu’elle l’invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus. »
L’espèce ayant donné lieu à cet arrêt était classique : la concubine d’un dirigeant de société, après liquidation judiciaire de cette dernière, était recherchée en qualité de caution par la banque créancière de la société liquidée.
La caution avait opposé à la banque le caractère disproportionné de son engagement lors de sa souscription et avait recherché la responsabilité de celle-ci pour manquement à son devoir de mise en garde, tout comme elle lui opposait une faute en ce qu’elle ne s’était pas enquise auprès de la caution elle-même de sa situation patrimoniale préalablement à la conclusion de son engagement de caution.
Dans son arrêt du 13 septembre 2017, la Cour de Cassation écarte donc l’argument aux motifs ci-dessus énoncés.
Il convient de souligner que les renseignements relatifs au patrimoine et aux revenus de la caution avaient pourtant été donnés par le seul dirigeant de la société, compagnon de la caution, de sorte que cette dernière considérait que la banque avait été quelque peu légère en se satisfaisant de renseignements donnés non par elle mais par son concubin, lequel ne la représentait pas juridiquement.
Cet argument a été écarté par la Cour de Cassation qui affirme de manière très nette que c’est à la caution seule d’apporter la preuve du caractère éventuellement disproportionné de l’engagement recueilli, sans pouvoir utilement opposer à la banque un devoir de recherche d’informations particulier.
Les cautions auront donc un intérêt évident à conserver, lors de la souscription de leur engagement en tant que garant, tous éléments de preuve reflétant leur situation financière et patrimoniale à ce moment-là, situation difficile à reconstituer lorsqu’elles sont appelées à garantir les biens d’un débiteur défaillant, souvent plusieurs années après la régularisation de leur engagement.