Les engagements de caution sont régulièrement source de discussions juridiques, mais aussi et surtout de grands tracas pour celui qui s’est trouvé contraint de se porter garant d’un financement qui n’aurait pas été accordé par une banque sans l’octroi d’une telle garantie.
Le cas le plus fréquent est celui du dirigeant d’entreprise souhaitant investir dans un bien d’équipement, bien financé par un organisme bancaire qui n’accepte d’en permettre l’acquisition que pour autant que ce dirigeant se porte personnellement caution du prêt ainsi consenti à son entreprise.
Les difficultés commencent bien évidemment lorsque l’entreprise se trouve dans l’obligation de solliciter l’ouverture d’un redressement judiciaire, c’est-à-dire de « déposer le bilan » selon l’expression courante.
Si, pendant la période d’observation du redressement judiciaire, le dirigeant caution ne peut être poursuivi par la banque malgré la défaillance du débiteur principal qu’est l’entreprise, la banque retrouve son droit de poursuite à l’encontre de la caution personne physique à compter du jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire.
La question s’est posée de savoir si cette même caution pouvait être poursuivie par l’organisme ayant financé l’acquisition d’un bien d’équipement ayant fait l’objet d’une reprise au profit d’un tiers, après arrêté d’un plan de cession de l’entreprise.
Pour bien appréhender la question, il convient de rappeler que par l’effet de l’article L 642-12 du Code de Commerce, le repreneur ainsi désigné est tenu de poursuivre le paiement à la banque des échéances du prêt en cours qui restent dues à compter du plan de cession, dès lors que ce bien a fait l’objet d’une sûreté mobilière spéciale (le plus généralement pour un bien d’équipement, il s’agit d’ un nantissement), sauf accord dérogatoire conclu avec la banque.
Doit-on considérer en ce cas que la caution donnée à l’origine de l’octroi du prêt par le dirigeant de l’entreprise ayant ensuite fait l’objet du plan de cession a vocation à disparaître, par l’effet du transfert de la charge du crédit sur le repreneur ? Y-a-t-il ainsi modification par novation des engagements initiaux de la caution ?
Dans deux espèces récentes (Cour de Cassation, chambre commerciale 9 février 2016 n° 14-23219 et Cour d’Appel de COLMAR, 1ère Chambre Civile A 11 janvier 2017 n°15-03270 ), la réponse apportée est négative, et il a été rappelé que la caution demeurait tenue, malgré la cession de l’entreprise à un tiers et le transfert de la charge du crédit sur celui-ci.
Pour l’essentiel, les cautions étaient venues soutenir avoir été déchargées de leur engagement initial par l’effet de la « cession du contrat de crédit » à charge du repreneur désigné par le plan de cession par l’effet des dispositions de l’article L 642-12 C.Com. visé plus haut.
La jurisprudence rejette cette analyse : la Cour de Cassation comme la Cour d’Appel de COLMAR posent en principe que le financement consenti avant l’ouverture du redressement judiciaire de l’emprunteur n’est pas un contrat en cours susceptible de cession, et que l’engagement du cessionnaire de payer les mensualités à échoir après arrêté du plan de cession ne vaut pas novation par substitution de débiteur.
La Cour de COLMAR s’exprime ainsi :
« Il s’agit d’une reprise de dette et non d’une cession de contrat, de sorte que la caution des engagements de l’emprunteur demeure tenue de garantir l’exécution du prêt. »
Ce faisant, la Cour d’Appel de COLMAR confirme la jurisprudence antérieure de la Cour de Cassation ayant posé en principe que l’article L 642-12 C.Com. n’emportait pas novation par substitution de débiteur.
Par conséquent, et dans le cadre de la préparation d’un plan de cession, deux acteurs auront à être particulièrement vigilants quant aux conséquences du transfert de la charge d’un crédit en cours :
– le repreneur d’une part, qui ignore souvent l’effet des dispositions de l’article L 642-12 C.com,
– et le dirigeant, souvent caution personnelle d’un bien financé et nanti, inclus dans le périmètre de reprise du candidat repreneur.
Ce n’est qu’avec l’accord exprès de la banque que le garant du financement en cours pourra utilement être déchargé de son engagement.
Jean-François CORMONT