Le 5 septembre 2017, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu une décision relative à la surveillance des courriers électroniques privés, envoyés par un salarié à partir de son lieu de travail.
Cette décision, importante, a vocation à s’appliquer dans les 47 pays du Conseil de l’Europe.
En 2007, un ingénieur roumain est licencié par son employeur qui avait constaté qu’il utilisait le compte de messagerie instantanée de la Société pour des conversations privées avec son frère et sa fiancée.
Le salarié licencié conteste son licenciement et est débouté de ses demandes devant les juridictions roumaines.
Il saisissait la Cour Européenne des Droits de l’Homme en 2008 en invoquant la violation de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme sur « le droit au respect de la vie privée et familiale du domicile et de la correspondance ».
Il perd également devant cette juridiction et saisit la Grande Chambre de la CEDH.
Cette dernière a estimé que le salarié « n’avait pas été informé de la nature de l’étendue de la surveillance opérée par son employeur, ni de la possibilité que celui-ci ait accès au contenu même de ses messages », et a ainsi estimé que son licenciement n’était pas fondé.
La CEDH n’interdit pas la surveillance des salariés, en tant que telle, mais considère que celle-ci doit être équilibrée et proportionnée aux intérêts de l’entreprise et respectueuse de la vie privée des salariés.
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Qu’en est-il en France ?
Depuis longtemps, la Cour de Cassation a été amenée à se pencher sur la question et la jurisprudence est aujourd’hui bien posée.
En outre, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) rappelle régulièrement à travers les fiches qu’elle édite, les règles en matière de contrôle par l’employeur et de protection des courriers personnels et d’accès aux fichiers.
Comme souvent, il convient de rechercher un équilibre entre le respect de la vie privée du salarié et la protection des intérêts légitimes de l’entreprise : «Une utilisation personnelle des outils informatiques est tolérée si elle reste raisonnable et n’affecte pas la sécurité des réseaux ou la productivité. C’est à l’employeur de fixer les contours de cette tolérance et d’en informer les employés ».
En pratique, je conseille vivement aux employeurs de mettre en place dans leur entreprise une charte informatique qui rappellera les droits et les obligations de chacun et informera le salarié que les messages à caractère personnel sont tolérés mais :
- qu’ils doivent respecter la législation en vigueur, notamment en matière de respect des croyances, des bonnes mœurs, des convictions, etc…
- qu’ils ne doivent pas comporter d’informations susceptibles de nuire à l’entreprise (confidentialité, secret professionnel)
- que l’envoi ou la réception de message à caractère privé doit se faire dans des proportions raisonnables.
Les messages doivent être signalés avec une mention « privé » dans leur objet et classés dès leur envoi dans un dossier lui-même dénommé « privé ».
En l’absence de mention « privé », les messages sont alors considérés comme étant à caractère professionnel et pourront être consultés par l’employeur.
Les salariés seront également informés des moyens mis en place pour contrôler l’activité du système d’information et de communication notamment relatifs :
- A l’utilisation de logiciels applicatifs pour contrôler l’accès, les modifications, les suppressions de fichiers,
- Aux connexions entrantes ou sortantes au réseau interne.
Il est donc essentiel pour l’entreprise désireuse de contrôler et de sanctionner des éventuels abus dans l’utilisation des messageries électroniques :
- D’informer les salariés :
– De leurs droits et de leurs obligations en la matière.
– Des modes de contrôle qui sont mis en place,
- De mettre en place les moyens permettant de distinguer les messages à caractère professionnel et les messages à caractère privé,
- D’informer les salariés des sanctions qu’ils encourent en cas de manquement.
Il est du rôle de l’avocat d’accompagner son client dans la mise en place de ce type de charte.