Dans un arrêt rendu le 28 juin 2017, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a rappelé les conditions de la demande du créancier tendant à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de son débiteur.
Des preneurs avaient omis de signifier par voie d’huissier la décision condamnant leur ancien bailleur au règlement d’une indemnité d’éviction, la rendant non-avenue, et se privant d’un titre exécutoire.
Ils ont ensuite assigné le bailleur en redressement judiciaire.
La Cour a jugé l’assignation parfaitement recevable, en confirmant qu’aucun titre exécutoire n’est nécessaire pour assigner son débiteur en redressement judiciaire.
La Cour de Cassation a rappelé les règles entourant l’assignation en redressement judiciaire d’un débiteur par son créancier.
1/ Evolution des dispositions législatives
L’article 631-2 du Code de Commerce dispose que l’assignation d’un créancier doit préciser la nature et le montant de la créance et contenir tout élément de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements du débiteur.
Avant la Loi de Sauvegarde, le Législateur ajoutait que l’assignation contenait « éventuellement » l’indication des procédures ou voies d’exécution engagées par le créancier pour faire exécuter le recouvrement de sa créance.
Le Décret du 21 octobre 1994 avait supprimé l’adverbe « éventuellement » rendant obligatoire, sous peine d’irrecevabilité, l’exercice préalable d’une procédure ou d’une voie d’exécution par le créancier avant d’assigner en redressement judiciaire.
Cette cause d’irrecevabilité a été supprimée par la Loi de Sauvegarde.
Non seulement le créancier n’est pas tenu de présenter un titre exécutoire pour fonder sa demande, mais encore il n’est pas nécessaire pour lui d’assigner en paiement ou d’avoir pratiqué une mesure d’exécution avant de solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
Il suffit donc, tel que le rappel l’Arrêt de la cour de Cassation du 28 juin 2017, que la créance justifiant l’assignation en redressement judiciaire soit certaine, liquide et exigible.
Les conditions de recevabilité de l’assignation sont considérablement assouplies.
2/ L’intérêt des poursuites préalables
En réalité les créanciers auront tout intérêt, avant de demander l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, à engager des poursuites de droit commun.
En effet, un créancier a plus de chances de recouvrer sa créance tant que son débiteur est in bonis.
Si le débiteur est réellement en difficulté, l’exercice préalable de poursuites apportera des éléments au soutien de sa demande.
Enfin, cela prémunira le créancier contre la mise en cause de sa responsabilité civile.
L’on rappellera à cet égard que le créancier qui assigne son débiteur en redressement judiciaire sans caractériser l’état de cessation des paiements est susceptible d’engager sa responsabilité civile délictuelle et de devoir indemniser son débiteur assigné abusivement.
3/ La preuve difficile de l’état de cessation des paiements
L’article L.631-2 du Code de Commerce exige que le créancier établisse l’état de cessation des paiements de son débiteur assigné en redressement judiciaire.
On a vu que le créancier aurait du mal à établir cet état, sans avoir préalablement procédé à une tentative de recouvrement de sa créance.
La situation du créancier demandeur à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire est délicate puisqu’il doit non seulement rapporter la preuve du caractère liquide et exigible de sa créance mais également établir l’état de cessation des paiements de son débiteur, et ce sans avoir nécessairement accès aux informations financières le permettant.
Seuls les associés de la société assignée en redressement judiciaire seraient plus à même de connaître la situation financière de l’entreprise.
Mais l’on rappellera qu’ils sont irrecevables à demander, en cette seule qualité, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire de la personne morale dont ils sont associés.
4/ L’assignation en redressement judiciaire : une demande exclusive
Afin de préserver le débiteur de tentatives de pression de son créancier par la menace de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, le législateur ajoute que la demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire est, à peine d’irrecevabilité qui doit être soulevée d’office, exclusive de toute autre demande relative au même patrimoine. (Article R.631-2 du Code de Commerce)
Cela signifie que le créancier qui assigne en redressement judiciaire ne peut solliciter subsidiairement le règlement de sa créance devant le Tribunal.
En revanche le créancier pourra, selon les dispositions de l’article R.640-1, assigner alternativement en redressement ou en liquidation judiciaire.
Il faut enfin préciser que le principe d’exclusivité de la demande de l’article R.631-2 du Code de Commerce ne s’applique qu’à la demande d’ouverture de redressement ou de liquidation judiciaire.
La Cour a jugé par un Arrêt du 9 juillet 2013 que la règle ne s’appliquait pas à la demande d’extension de procédure à l’encontre du gérant de la société débitrice.
Dans cet Arrêt la Cour a jugé recevable l’assignation d’un gérant en extension de procédure et à titre subsidiaire en condamnation à supporter l’insuffisance d’actif de la société.
2 commentaires. En écrire un nouveau
Qu’en est il d’un débiteur qui démontre sa solvabilité et n’est visiblement pas en état de cessation des paiements mais qui refuse de payer sa créance( D ET I résultant d’une condamnation pru’hommale)
Juriste j’ai eu à faire à un client parfaitement in bonis avec la trésorerie permettant largement de faire face à la créance réclamée et pourtant le Tribunal de Commerce menace de prononcer la liquidation si le paiement du créancier n’est pas effectué
le TC ne devrait il pas se borner à constater ou non l’état de cessation des paiements?
si quelqu’un a un avis ?